CHAPITRE IX

 

 

Dix années le soleil bleu avait brillé sur le pays de Fuinör.

Lorsque parut la dernière aube de la décennie, l’enchanteur arriva au seuil de la contrée du miroir.

A ses côtés, revêtue d’un manteau dont le capuchon dissimulait ses traits, se tenait une jeune femme qui, pour la première fois, accomplissait le pèlerinage. Pourtant elle ne s’était jamais plainte, durant le voyage au travers de la contrée des semailles enneigée, malgré le froid qui engourdissait ses membres et les gerçures qui meurtrissaient sa peau.

Le dernier test allait bientôt avoir lieu.

— N’oublie pas ce que je t’ai appris, dit l’enchanteur, lorsqu’ils furent au bord du lac. Le miroir est ton ami. Tu n’as rien à craindre de lui.

Joignant le geste à la parole, il fit quelques pas sur la surface de l’eau puis se retourna et tendit la main vers sa compagne.

— Allons, dit-il. Viens me rejoindre !

Mais elle hésitait toujours, contemplant le lac avec un profond respect, mêlé de crainte.

— Songe que le miroir est l’essence même de Fuinör, reprit l’enchanteur. Et que toi aussi tu fais partie de cette essence. Songe que bientôt la nature tout entière t’obéira. Maintenant avance, Rowena ! Ou va-t’en à jamais !

La jeune femme releva la tête. Un éclair de défi brilla dans ses yeux. Elle dénoua le cordon qui retenait son manteau et laissa glisser celui-ci à ses pieds. En dessous elle ne portait qu’un léger voile, couleur de soleil, couleur changeante.

Le regard plongé dans celui de l’enchanteur, elle fit un pas en avant, puis un autre, et un autre encore. Sous ses pieds nus l’eau du lac était un baume pour soigner ses blessures.

Dès qu’elle l’eut rejoint, le vieil homme reprit sa marche ; ils atteignirent ensemble le centre du miroir.

— Ta vie commence aujourd’hui, Rowena, dit l’enchanteur.

— Non, répondit-elle. Ma vie s’achève aujourd’hui. C’est celle de la sorcière qui commence...

Puis elle éclata de rire.

Dix années le soleil indigo...

 

 

FIN DE LA PREMIÈRF ÉPOQUE

 

DEUXIÈME ÉPOQUE :

 

LE FOU